Ce n’est pas la taille qui compte

Manifeste pour les alternatives résidentielles et les projets collectifs de territoires

– Pierre-Marie Villette, Mathieu Zimmer, Thomas Vias –

D’un côté, c’est l’histoire de 5 copains qui tournent un peu en rond dans leur grande ville. Ils vont dans des endroits où tout le monde leur ressemble. Ils travaillent dans des domaines où ils sont en concurrence avec plein de personnes qui font presque comme eux. Et finalement, malgré toutes les opportunités, ils font souvent les mêmes choses avec les mêmes personnes, en espérant changer de quotidien un de ces jours, sans jamais passer à l’acte.

De l’autre, c’est l’histoire de 5 habitants qui tournent un peu en rond dans leur petite ville. Ils y sont installés depuis 2 ans, 5 ans, 10 ans ou 40 ans. Ils aimeraient que ça bouge, mais pour cela, il faut être plusieurs, au même endroit, au même moment et malheureusement tout le monde est un peu dans son coin… alors ils attendent, ils rongent leur frein, ils regardent ailleurs.

Pourquoi ces deux histoires ne pourraient pas en faire une nouvelle plus enthousiasmante ? C’est l’histoire de 10 citoyens qui ont décidé de sauter le pas, d’améliorer le quotidien dans un lieu qui leur est cher. Et pour cela, ils décident de s’investir ensemble pour mettre en place de nouvelles animations, de nouveaux services, de nouvelles relations de voisinage. C’est compliqué de déménager dans un lieu quand on ne connaît personne. C’est plus simple quand on est plusieurs.

Si ces 10 habitants arrivent à mettre en oeuvre leurs projets (une épicerie solidaire, un tiers-lieu, un événement culturel, un nouveau marché, etc.), ce sera peut-être l’histoire de 100 voisins qui se disent que c’est intéressant et qu’ils ont envie d’en faire partie. Alors ils vont dans ces nouveaux lieux, ils participent à ces nouveaux événements, ils s’investissent dans des actions de solidarité et de transition territoriale.

Et on aimerait que ce soit l’histoire de 1000 habitants qui participent à cette dynamique, à leur rythme, à leur façon. On aimerait que ce soit l’histoire de communes et de territoires dans lesquels les habitants sont fédérés autour de quelques bons moments collectifs et de deux envies :

  • essayer de bien faire les choses pour que les années qui viennent soient riches, stimulantes, pleines de petits plaisirs, d’attention aux autres ;
  • participer ensemble au retour de la nature, répondre aux enjeux environnementaux.

On en a envie mais on est coincés !

Métropoles saturées, périmètres de balade de 1 kilomètre bien tristes, perte de sens, pollution, logements financièrement inaccessibles… nous sommes nombreux à nous poser des questions sur notre future destination résidentielle. A savoir, où se barrer et comment y vivre ? Et si sur le papier, il y a plein d’alternatives à Paris et aux grandes métropoles, on se rend compte qu’au moment de déménager, les opportunités semblent réduites. Pour caricaturer, les Parisiens descendent d’une échelle pour s’installer à Bordeaux ou Nantes. Les Bordelais et les Nantais n’ont plus les moyens de bien vivre dans leur ville et ils s’éloignent de quelques dizaines de kilomètres. Certaines catégories d’emplois se concentrent aux mêmes endroits, on a peur de se retrouver loin de « là où les choses se passent », d’être isolé, loin de ses proches, des opportunités. Pourtant, la géographie nous prouve qu’il se passe plein de choses positives au-delà de ces grandes métropoles, et que vivre dans une ville plus petite ou à la campagne peut être une expérience enrichissante, à condition de savoir où l’on met les pieds.

Opportunités et accessibilité

L’intérêt premier d’un territoire est d’offrir le maximum d’opportunités et d’interactions positives à proximité. Ce n’est pas tant le nombre total de ces opportunités qui compte mais bien leur accessibilité et leur qualité (vivre en Ile-de-France mais à 1h30 de tous les événements parisiens, ce n’est pas forcément intéressant). Il faut donc que la proximité d’êtres humains crée de belles choses et que celles-ci soient proches de leur public. Plus nous aurons des territoires actifs, plus nous aurons des possibilités de choix résidentiels satisfaisantes. Nous devons avoir un regard positif sur les territoires, qui dépassent largement ces questions d’attractivité. Nous devons révéler des métropoles, des villes moyennes, des territoires ruraux.
Ce n’est pas la taille qui compte, c’est la capacité d’activer les territoires en mobilisant du mieux possible les habitants et les usagers, c’est créer des lieux vivants.

Des envies collectives

Se retrouver avec des personnes avec qui partager des bons moments et faire en sorte que ces rencontres génèrent des lieux et des rendez-vous positifs sur le territoire, voilà un bon projet collectif. C’est bien la nature profonde de notre métier d’urbaniste : donner envie de se retrouver à l’extérieur, aux mêmes moments, avec des proches et des inconnus et faire en sorte que cette énergie soit communicative. Pour cela, il vaut mieux se rapprocher, habiter dans le même quartier, dans la même rue, les uns aux dessus des autres, dans de bonnes conditions (c’est-à-dire sans les contraintes de la proximité). Il faut créer des lieux de rencontre, favoriser les initiatives et leur accessibilité.

Cela veut aussi dire qu’il y a des lieux qui s’y prêtent moins, qu’il y a des lieux où vous serez bien souvent seuls ou loin des services et des opportunités. Il y a malheureusement des choix géographiques qui peuvent être pénalisants au regard de l’égalité des chances (moins de services, moins d’opportunités, plus de frais divers).

Visions et territoires ressources

Après plusieurs années de médiation et de concertation territoriale, nous avons une conviction : pour avancer et mettre en place des actions rapides, il faut travailler avec les bonnes volontés déjà présentes. Donc, partir vivre dans une petite ville, à la campagne, dans une ville moyenne, c’est une très bonne idée, mais pas n’importe où ! Il faut trouver un territoire qui nous ressemble et sur lequel les élus comme les habitants et acteurs économiques ont envie d’avancer et de mettre en œuvre la transition dans un sens large (écologie, partage des richesses et des opportunités, économie sociale et solidaire, économie coopérative, accueil de tous). Et lorsqu’on prend en compte les rivalités entre communes, les concurrences mesquines, les préjugés sur « les autres », les situations territoriales pénalisantes en termes de charges et d’accès aux services, nous nous rendons compte que les possibilités se réduisent. Ce n’est pas grave, au contraire. Il s’agit pour nous d’identifier ces territoires et de les accompagner dans leurs stratégies d’aménagement du cadre de vie, en mobilisant les personnes motivées. Ce sont ces territoires qui sont les plus-à-même de fédérer les envies positives, de les accueillir dans de bonnes conditions. A nous de les raconter, de les partager.

Se réapproprier nos territoires

En tant qu’urbanistes en agence privée, nous sommes dépendants d’une commande publique. Mais attendre une bonne commande, en accord avec nos convictions, cela demande du temps. Surtout que passer une commande publique est un luxe que beaucoup de communes ne peuvent pas se permettre, faute d’ingénierie, de temps et de moyens. Alors nous pensons que c’est notre rôle de prendre les devants et de proposer une vision territoriale stimulante, en adéquation avec les enjeux de transition au sens large, et qui pourrait inspirer les habitants, les usagers, les élus, les institutions, les acteurs économiques, les jeunes, les vieux, les anciens, les nouveaux. Nous souhaitons imaginer de nouveaux récits, de nouveaux lieux, de nouvelles animations, tenter et expérimenter de nouvelles façons de partager les richesses, le temps de travail, favoriser les opportunités pour le plus grand nombre.

Au lieu de passer 25 heures à trouver un appel d’offre, y répondre et très possiblement le perdre, autant prendre ce temps pour recenser les bonnes initiatives, identifier les lieux vertueux, canaliser les énergies pour faciliter l’émergence de belles alternatives territoriales. De belles alternatives dans le Sud-Ouest de la France via la création de l’association deux cent neuf :

Une association pour agir

L’association deux cent neuf a un objectif simple : fédérer les initiatives publiques et privées pour aménager ces lieux de vie positifs et la résilience territoriale dans un rayon de 209 km autour de Bordeaux.

La mise en réseau, les liens entre élus, collectivités, porteurs de projets et citoyens motivés doivent permettre de former et d’agir. Il faut mettre les forces locales en commun pour répondre aux enjeux des territoires :

  • promouvoir une ville relationnelle basée sur le plaisir et la rencontre en proposant des événements culturels qui font envie et qui sont largement accessibles,
  • réinvestir les locaux désertés, créer des tiers-lieux adaptés aux attentes locales,
  • favoriser l’ESS et les projets locaux,
  • favoriser les modèles immobiliers adaptés aux territoires périphériques et ruraux, des nouvelles formes de logements et de commercialisation pour tous les publics,
  • travailler avec les enfants et les adolescents qui sont trop souvent oubliés dans les stratégies de territoires,
  • lutter contre l’isolement et l’inégalité des chances territoriales.

Cette association se consacrera à :

  • repérer les initiatives et les territoires les plus propices pour l’aménagement de la transition,
  • fédérer les acteurs publics et privés autour d’actions clés pour ces territoires,
  • partager les bonnes pratiques en donnant à voir les opportunités territoriales dans le Sud-Ouest,
  • passer de bons moments ensemble.

Naufragé à Paris, tourneur en rond à Bordeaux, mort d’ennui dans sa maison loin de tout, vieux isolé, créatif coincé parmi 10 000 autres créatifs, futur agriculteur, acteur en herbe, maire empêtré dans le quotidien, technicien plein d’envies mais sans moyen, contemplatif, militant engagé, français moyen attentif à son cadre de vie et à celui de ses proches, retraité, sans activité rémunérée, futur épicier, actif en reconversion, sans 500 000 € à disposition pour acheter un appartement, nouvel habitant paumé mais enthousiaste, essayons de s’inspirer mutuellement et de se regrouper pour faire vivre ces alternatives territoriales.

On peut se sentir bien partout mais il y a des lieux plus positifs que d’autres. Quelques conseils pour s’installer et s’impliquer dans un endroit sympa, qui vous ressemble

1

Tout d’abord, pensez à l’accessibilité
quotidienne
. Que ce soit pour le
travail, changer d’air, vos loisirs,
ceux de vos enfants, passer de bons moments avec vos amis et votre famille, plus c’est proche de chez vous, plus c’est facile,
moins c’est contraignant.

2

Gardez en tête que plus vous êtes loin
de métropoles, moins vous aurez accès
à des opportunités d’études, d’emplois,
aux soins, à la culture. C’est malheureux
mais c’est comme ça pour le moment. L’égalité des chances territoriales n’est pas d’actualité.

3

D’autre part, la belle nature, des lacs, la mer ou la montagne restent des atouts essentiels pour embellir son quotidien. Ne vous installez pas trop
loin de belles sorties par un dimanche
ensoleillé.

C’est pour cela que s’éloigner à plus d’un heure d’une métropole n’est pas toujours une bonne idée mais que s’installer au bord de l’eau ou dans un bel endroit naturel est très recherché. Naturellement, ce sont les territoires comme le Bassin d’Arcachon, La Rochelle ou le Pays Basque et le sud des Landes qui sont les plus chers (métropole + nature).

Pour réfléchir aux alternatives aux territoires financièrement inaccessibles, pensez à deux choses :

4

la complémentarité territoriale, c’est-à-dire que vous pouvez piocher chez vos voisins ce que vous n’avez pas chez vous, notamment pour des besoins ponctuels (le concert au Zenith, la plage, le shopping). Ça demande juste un peu plus d’organisation et d’anticipation.

5

la qualité des interactions, qui ne repose pas sur la taille de la ville mais sur sa capacité à vous rendre accessible des opportunités qui vous intéressent. Trouvez des lieux dans lesquels vous pourrez rencontrer facilement des personnes qui partagent des choses avec vous.

Chaque territoire formalise une promesse qu’il est capable de tenir.
En fonction de son dynamisme, de sa population, de son offre, vous savez qu’un territoire remplira tels besoins mais pas tels autres. A vous d’être lucide sur cette promesse et d’étudier les échappatoires à proximité pour ne pas être frustré. Niveau satisfaction par rapport aux attentes, rien de mieux qu’un petit village très vivant , rien de pire qu’une ville moyenne morte ou d’une grande ville où vous n’avez accès à rien.

Si on rajoute les questions de la transition écologique, on vous conseille de privilégier des lieux faisant la part belle à la nature (arbres, végétation, sols non imperméabilisés) pour ne pas crever de chaud et des territoires où le coût de la vie est raisonnable (pour ne pas devoir bosser comme un con pour vivre). Pour ce qui est de la vie en bord de mer, n’oubliez pas que les traits de côte reculent…

Dernier point, le plus important : une fois que vous avez trouvé un lieu idéal, n’oubliez pas que vous avez le pouvoir d’aménager votre cadre de vie ! En construisant du neuf bien pensé, de l’écologique, du coloré, en plantant, en faisant pousser, en rajoutant des bancs, des tables, des jeux, en s’impliquant dans les actions locales, en rencontrant ses voisins, en sortant, en partageant. Le déjà là, c’est bien. Le bientôt là, si on se bouge collectivement, c’est encore plus stimulant et valorisant.

Illustrations (totalement) imaginaires de projets collectifs pour vous donner des idées !

Des colocations de vieux avec des jeunes dedans

Plutôt que de vivre chacun chez soi, souvent seul, dans des maisons trop grandes, autant se rapprocher du centre, avec d’autres vieux, et des jeunes aussi, dans un bel immeuble en bois, plein de terrasses, de vues et d’entraide.

Une ville, des usines,
une forêt

Vivre dans une ville, entre océan et lac, avec la volonté de planter partout où ce sera possible. Des rues en moins, des espaces naturels en plus ! Tout le monde plante, toute le monde entretient.

Un gros village des amis

Vous êtes 12 amis. Au lieu de de partir s’isoler chacun dans une campagne différente, autant tous se retrouver au même endroit et vous impliquer localement pour rendre ce projet possible.

On met en pratique
le salaire universel

Vous êtes convaincu que l’avenir c’est le salaire universel. Retrouvez d’autres personnes motivées comme vous dans un village qui tente de mettre en pratique le partage des richesses et du temps autrement.

Guinguettes et fêtes
dans la vallée

La vallée de la Charente, ça vous parle. Vos amis et vos collègues aussi. Embarquez tout le monde en créant les moments festifs pour se retrouver, au moins l’été, et peut-être plus si affinité.

À vous de jouer !

Habitants, futurs habitants, élus, acteurs locaux, trouvez de bonnes raisons pour
investir collectivement votre territoire.

Bon, on a préparé tout ça en très peu de temps, on revient en janvier avec un site mis à jour, un beau manifeste, une association officiellement montée et un programme de travail. D’ici là, bonnes fêtes de fin d’année.

Pierre-Marie Villette, Mathieu Zimmer, Thomas Vias.

  • Association destinée à faciliter la construction d’alternatives territoriales sympas dans le Sud-Ouest
  • Partage d’expériences, bonnes idées et actions sur le terrain

Pour nous contacter :

contact@deuxcentneuf.fr

Pour voir notre travail avec deux degrés :

www.deuxdegres.net